La biologie de synthèse : des Lumières à nos jours.

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La biologie de synthèse a d’abord consisté à des hybridations de plantes.

La biologie de synthèse sert à concevoir et à développer des systèmes biologiques qui n’existent pas dans la nature, pour fabriquer des produits qui amélioreront tous les aspects de la vie humaine. Mêlant étroitement biotechnologies et bio-informatique, cette science a évolué par étapes au fil des siècles.

Dans cet article, nous vous présentons l’histoire de la biologie de synthèse et les usages qui en sont faits aujourd’hui, chez BGene comme dans les grands secteurs industriels qui y ont recours.

L’histoire de la biologie de synthèse.

L’homme peut améliorer la nature. Il serait capable d’accomplir en dix ans ce que la Nature a accompli en dix siècles

Luther Burbank (1849-1926)

Les origines : modifier le vivant pour servir l’humain.

Les prémices de la biologie de synthèse remontent au début du siècle des Lumières, il y a près de 300 ans. À l’époque, le naturaliste et physicien français René-Antoine Ferchault de Réaumur essaya de croiser des espèces différentes pour engendrer de nouvelles formes de vie aux caractéristiques utiles à l’humain. Son objectif était de créer des lapins à plumes et des poules à poils. Est-ce qu’un lapin à plumes aurait été utile à l’humanité ? Nous ne le saurons jamais.

Mais les bases de la biologie de synthèse étaient posées : créer de nouvelles espèces ou cellules vivantes munies de fonctionnalités encore inédites sur Terre.

Quelque 150 ans plus tard en Californie, Luther Burbank mit au point des hybridations de plantes dans le but de créer de nouveaux végétaux qui « surpasseraient la nature au bénéfice de l’humain », comme des fruits plus nourrissants et résistants aux intempéries ou aux parasites.

En ce temps, les laboratoires de biologie de synthèse ressemblaient plus à des jardins ou à des zoos expérimentaux, où les scientifiques cherchaient surtout à percer les mystères de l’hérédité pour concevoir (ou reconcevoir) la vie.

La biologie de synthèse au début du XXe siècle : comprendre les mécanismes du vivant.

Une autre école de la biologie de synthèse s’attachait moins à la création d’espèces nouvelles par croisements qu’à la compréhension de la physiologie élémentaire du vivant.

Ainsi, l’américain Jacques Loeb parvint en 1899 à « fabriquer la vie » dans son laboratoire. En modifiant la teneur en sel d’un liquide contenant des embryons d’oursins non fécondés, il réussit à les faire éclore et donc à les faire naître sans fécondation (il faut tout de même préciser que l’oursin est capable de parthénogenèse). L’histoire raconte qu’à l’époque, beaucoup de jeunes femmes eurent alors peur de prendre des bains de mer de crainte de tomber enceinte…

Jacques Loeb fut accusé de « jouer à Dieu », mais son but n’était pas de choquer, seulement de maîtriser entièrement un phénomène pour bien le comprendre.

D’autres biologistes comme le français Stéphane Leduc, l’inventeur du « jardin chimique », se concentraient sur les expériences en éprouvettes pour produire des formes proches de la vie, toujours dans le but de mieux comprendre le vivant et ses mécanismes. En 1912, il donna le nom de biologie synthétique à sa démarche expérimentale.

Puis vint l’utilisation des rayons X et du radium dans les années 1920 et 1930. Les chercheur·euse·s les utilisèrent pour provoquer des mutations sur des plantes, mutations qu’ils pouvaient en quelque sorte programmer (sans toutefois les cibler) pour obtenir un résultat particulier. C’est à la suite de ces expériences que le terme de génie génétique fut employé pour la première fois.

Ces années-là furent donc celles des pionnier·ère·s de la biologie de synthèse. Et si les anecdotes du lapin à plumes ou de la fécondation par l’eau de mer peuvent faire sourire aujourd’hui, ce sont bien les personnes de ce temps qui préparèrent le terrain aux découvertes ultérieures.

Les grands noms de la biologie de synthèse au début du XXe siècle.
Source : Luis Campos : un siècle de biologie de synthèse. medecinesciences.org.

Des années 1950 à 1990 : le grand bond en avant de la biologie de synthèse.

Après la découverte de la structure de l’ADN en 1953 par Franklin, Watson et Crick, la seconde moitié du XXe siècle fut le témoin d’avancées majeures. Avec la généralisation de l’ADN recombinant (un ADN produit en laboratoire à partir de plusieurs sources et servant à créer des séquences inexistantes à l’état naturel), l’horizon des scientifiques n’eut soudain plus de limites. Dans les années 1960, la biologiste suisse Daisy Dussoix publie des travaux sur les phénomènes de restriction, ce qui ouvre la voie à l’utilisation d’enzymes de restrictions largement utilisées encore aujourd’hui pour le clonage de fragments d’ADN.

L’emballement fut tel que certain·e·s chercheur·euse·s se posèrent la question : « Jusqu’où avons-nous le droit d’aller ? », certains appelant même à un moratoire sur les manipulations génétiques.

La biologie de synthèse au XXIe siècle.

Depuis une vingtaine d’années maintenant, la biologie de synthèse est au croisement de sciences et de techniques comme la bio-informatique et la bio-ingénierie. Et les biotechnologies en sont l’outil de production.

L’objectif actuel de la biologie de synthèse n’est plus de modifier ponctuellement un organisme existant, mais de développer de nouvelles voies métaboliques et de nouveaux systèmes absents à l’état naturel, toujours dans le but d’améliorer les conditions de la vie humaine.

L’une des avancées les plus importantes de ces dernières années est la synthèse d’un chromosome artificiel fonctionnel par le chercheur américain Craig Venter et son équipe. Cette réalisation est considérée comme le premier véritable pas vers la création d’une forme de vie artificielle.

La biologie de synthèse peut permettre de créer des formes de vie artificielle.
Source : Les entreprises du médicament. 2010

Les applications actuelles de la biologie de synthèse.

Aujourd’hui, outre les possibilités infinies d’innovation, la biologie de synthèse permet aux industriels d’entrer dans la transition écologique et énergétique avec des outils performants. Elle permet de faire baisser les coûts de production et d’épargner au maximum les ressources naturelles de la planète.

Ainsi, la biologie de synthèse est particulièrement utile dans :

  • Le secteur pharmaceutique, avec la production d’antibiotiques, de vaccins, de médicaments (comme l’artémisinine, un antipaludique) ou encore de nouveaux tissus.
  • Le secteur de la chimie, où elle permet de fabriquer à partir de déchets ou de matières renouvelables des composés habituellement produits à base de pétrole.
  • Le secteur de l’énergie, avec la production de biocarburants et de sources d’énergie alternatives, pour réduire le recours aux énergies fossiles et l’émission de gaz à effet de serre.
  • Le secteur de l’environnement avec la reprogrammation de bactéries comme Pseudomonas putida capable de nettoyer l’eau de mer souillée par une marée noire.
  • Le secteur agricole avec la mise au point de nouvelles cultures plus résistantes à chaleur, moins gourmandes en eau, etc.

Les avancées de la biologie de synthèse sur les séquences d’ADN sont aussi référencées sous l’appellation « bio-briques ». À l’image des petites briques danoises dont les enfants (et les adultes) raffolent, on peut combiner ces séquences d’ADN pour construire différents systèmes biologiques à l’échelle industrielle.

Le savoir-faire BGene : la biologie de synthèse sans cicatrice.

Dans notre laboratoire de microbiologie, notre équipe de BGeners utilise la biologie de synthèse pour donner à une bactérie des fonctionnalités nouvelles (comprenez des réactions métaboliques dont elle est incapable à l’état naturel) pour qu’elle produise les molécules d’intérêt dont ont besoin nos partenaires industriels.

Pour cela, nos biologistes et bio-informaticiens reprogramment des bactéries ou des levures, tout en prenant soin de ne pas laisser de cicatrices ni de résistance aux antibiotiques dans l’ADN de ces micro-organismes : leur génome reste donc stable, ce qui est sans danger pour l’environnement.

Puis, grâce à la fermentation de précision, les bactéries et les levures se nourrissent de matières premières renouvelables sélectionnées et produisent ce pour quoi nous les avons programmées : fragrances et parfums pour l’industrie cosmétique, molécules pour nos partenaires pharmaceutiques, etc.

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